Rechercher dans ce blog

samedi 21 mai 2016

Le Krautrock #1 Les groupes

Avoir réduit la scène musicale allemande des seventies au Krautrock, littéralement "rock chou[croute]", peut sembler stupide. Ce serait comme intituler le rock anglais, "pudding rock" ou le rock US, "hamburger rock", ce qui n'aurait aucun sens, les concentrant dans un seul et unique genre ! Pourtant ce terme inventé par des journalistes britanniques, qui fut repris et utilisé par ses propres progatonistes, devint le terme communément usité pour nommer le rock allemand à l'époque et encore de nos jours. Si la presse rock anglaise et internationale a désigné par "krautrock" les groupes allemands apparus au début des années 1970, c'est surtout par référence au morceau du groupe Amon Düül I titré «Mama Düül und Ihre Sauerkrautband Spielt Auf» (Maman Duul et son groupe choucroute se lancent).

Alors que, courant des années 60, nombreux sont les musiciens britanniques à jouer dans les clubs rock de Hambourg, The Beatles en tête ou encore certains membres du futur Yes, aucun groupe local n'a l'originalité et l'inventivité de ses voisins anglais. On peut quand même citer The Rattles ou encore German Bonds, The Lords, The Blizzards et The Phantoms.
La situation évolue radicalement entre 1968 et 1970 alors que surgissent de nombreux groupes allemands aux personnalités originales développant leurs styles propres, face à une scène anglo-saxonne ultra prédominante.

L'ambiance musicale en Allemagne était alors constituée d'un mélange d'humour, d'engagements politiques, de revendications, de paranoïa, de mélancholie ou de persécution. Tous prônaient leur désir de liberté à travers des expérimentations les plus psychédéliques, le free-jazz, l'étrange, le monotone, l'usage des drogues, etc.

Comme en Grande-Bretagne ou aux USA, l'Allemagne possédait plusieurs scènes rock régionales, explorant divers styles musicaux.

BERLIN (Ouest) donna naissance à quelques uns des leaders de la kosmische musik tels Tangerine Dream, Klaus Schulze, Kluster, Agitation Free, Ash Ra Tempel et Mythos, tous à l'origine d'un nouveau genre, la musique électronique planante. Berlin n'était pas que la capitale de la Kosmische musik, c'était aussi le lieu d'expression de quelques groupes rock, comme Lokomotive Kreuzberg, politiquement impliqué, Curly Curve plus classic rock, ou encore Birth Control, groupe de heavy progressif auteur de sept albums studio et live.

 
A DUSSELDORF, dans un environnement marqué par les bruits et la noirceur des industries de la Ruhr, deux groupes développent un autre pan de la musique électronique sous des aspects plus minimalistes et répétitifs, Neu! et Kraftwerk, ce dernier étant un des seuls à avoir réellement obtenu du succès en dehors de son pays. A noter aussi la présence du groupe Dom, mélange de psychédélisme, folk et cosmic.


MUNICH fut la ville où psychédélisme, jazz-rock et influences musicales ethniques se développèrent probablement le plus, grâce à Embryo, Popol Vuh, Amon Duul II, Guru Guru, Drosselbart, Emergency et Out Of Focus. Aucun de ceux-ci n'eut la reconnaissance de son art à l'époque.

COLOGNE et son représentant emblématique Can qui construisait sa musique autour d'improvisations très libres, retravaillées en studio par la suite, qu'Holger Czukay, bassiste du groupe, qualifiait lui-même de «compositions instantanées». Le groupe a connu quelques succès occasionnels, notamment avec les chansons Spoon et I Want More, toutes deux entrées dans les charts allemands. En outre, à travers ses albums Tago Mago (1971) et Ege Bamyasi (1972), Can a exercé une influence considérable sur la musique d'avant-garde, le rock expérimental, l'ambient, la new wave et la musique électronique.
Cologne c'est aussi une formation mélant le rock et les idées communistes, Floh De Cologne.

AACHEN (Aix-La-Chapelle) fut la ville de Necronomicon et Ruphus Zuphall, influencés par le rock progressif tout en ayant leurs propres personnalités germaniques.

En remontant vers le nord de l'Allemagne, à HANNOVRE, on croisait la route de groupes dont les styles se rapprochaient du traditionnel Heavy rock et du progressif symphonique. Jane et Eloy en furent les plus prestigieux représentants. A noter que le célèbre groupe Scorpions est également originaire de Hannovre. A écouter, leur premier album Lonesome Crow !


HAMBOURG est la ville qui fut dominée par l'influence du rock anglo-saxon, et donna naissance à Epitaph, Frumpy, Virus, Weed, Ardo Bombec et Blackwater Park, mais aussi à une formation plus particulièrement innovante, Faust. Egalement basé à Hambourg, Novalis, comparable au groupe italien P.F.M. et son rock romantique.

A STUTTGART, on retrouve le légendaire groupe Gila, dont l'album éponyme édité chez BASF est très recherché de nos jours. Ulm, non loin, donna naissance à Kraan, groupe jazz-rock, friand d'improvisations.

Plusieurs de ces groupes avaient en leur sein des musiciens des pays voisins, la Suisse, la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie et certains d'entre eux des chanteurs d'origine britannique, tels Abacus, Message, Epitaph, Nektar, Blackwater Park ou 2066 And Then. Un melting-pot culturel et géographique qui permit toute sorte d'expérimentation. Nombre d'entre eux étaient de jeunes étudiants, vivant en communité, rêvant d'un monde meilleur.
Alors que la jeunesse allemande faisait preuve d'une plus grande ouverture d'esprit, que certains artistes britanniques vendaient plus d'albums en Allemagne que dans leur propre pays, qu'un groupe comme Kraftwerk fut cité dans le Top 10 des groupes préférés, que la presse rock non organisée à l'époque et que les maisons de disques (Major) non encore avisées d'un tel bouleversement artistique ne réagirent pas réellement ........... toute cette scène rock allemande fut oubliée après 1975. On retint Kraftwerk souvent, Can parfois, tout en les qualifiant de clones du Velvet Underground!

Bien évidemment, tout ceci a bien changé. Certains albums des groupes pré-cités sont aujourd'hui des disques rares et très rudement recherchés par les collectionneurs. Il suffit d'imaginer qu'à l'époque ces groupes exportaient et vendaient peu en dehors de l'Allemagne, pour se rendre à l'évidence qu'il est très difficile de nos jours de trouver des exemplaires originaux à des prix abordables. Même les rééditions récentes, aux tirages limités, deviennent des objets de collections...

Le krautrock a tout d'abord été une influence importante dans le développement du post-punk, en particulier les groupes The Fall et This Heat, au début des années 1980. Vers la fin des années 1990, grâce au retour de la musique électronique et à la redécouverte des groupes allemands du style, le krautrock a influencé de nombreuses formations, telles que Stereolab, The Mars Volta, Deerhunter, Wilco, Laika, Mouse On Mars, Tortoise ou encore Fujiya & Miyagi, à l'origine du post-rock.

Le groupe Radiohead a effectué une reprise de "Thief", chanson de Can, et cite, outre ce dernier, Neu! et Faust parmi ses influences.

Partie suivante : #2 Les labels

1 commentaire:

Anaon a dit…

Excellent cet article ! Que ce soit en musique électronique ou rock progressif, la scène allemande des 70's est plutôt riche ! Je suis particulièrement fan de Eloy, Grobschnitt, Schicke, Fuhrs & Frohling et bien sûr Tangerine Dream et consorts :)

Les disques de Krautrock ne sont malheureusement pas faciles à trouver... Du moins à prix décent...